François LHERMOYE

 

 


 

« Je suis sorti du centre d’apprentissage l’Emulation en juillet 1957. 15 jours plus tard, j’intégrai le garage Lanty, représentant Citroën jusqu’en 1960. 2 ans sous les drapeaux et retour chez Citroën en mars 1962.

 

Nous avions l’habitude de monter des astreintes le week-end et un jour le propriétaire d’une Dauphine me contacta pour un dépannage suite à un problème d’embrayage sur boite automatique. Connaissant très mal cette technologie, je pris l’initiative d’aller demander conseil chez Renault où Gilbert Harivel m’expliqua que la panne venait certainement d’un interrupteur dynamo/batterie situé sous le tableau de bord. Perplexe, je rejoignis la personne en panne et c’est en appliquant exactement ce que l’on m’avait dit chez Renault que je dépannai sans aucun mal la dauphine et son propriétaire à nouveau heureux.

 

 



Sur le retour, j’en profitais pour effectuer un petit crochet pour remercier Gilbert de son précieux conseil.

 

Quelques jours plus tard, Gilbert débarqua chez Citroën en vue de me débaucher. Le soir même, je m’entretenais avec Etienne Desjardins et Gilbert HARIVEL, en terme de salaire et d’évolution de carrière, tout me convenait ! Je n’avais qu’un mois de préavis et la rallonge que me proposa LANTY pour me garder arrivait trop tard.

 

J’ai donc intégré le service montage mécanique.

 

Un soir, Gilbert me demande si je suis disponible pour rester un peu plus longtemps pour sortir le moteur de la voiture de Jacques CHEINISSE pour l’emmener chez MIGNOTET !


 

 

 

Les journées qui, au départ étaient d’une durée de 8h, déborderont rapidement vers à pas d’heure !

 

J’intégrai petit à petit le monde de la compétition par la F3. Je m’occupais alors à plein temps de la monoplace d'Henri Grandsire, et je le suivit en F2 avec sa mono à moteur Gordini.

 

En parallèle, je faisais aussi de l’A110 et du proto.

 

Je traversais la France et une partie de l’Europe, seul au volant de ma R16, avec la monoplace à tracter. Et, par la suite, je me suis arrangé avec les mécaniciens de Guy Ligier et Joe Schlesser pour faire la route ensemble. C’était plus convivial et beaucoup moins ennuyeux !

 

Je me souviens avoir fait 3 circuits dans 3 pays différents en 3 jours de temps.

 

Je transportais à ce moment le premier proto 3 litres de Mauro Bianchi qui venait de terminer les 1000 kilomètres de Montlhéry pour effectuer des essais sur le circuit de Zolder en Belgique, et ensuite, aller vers celui de Zandwort, en Hollande (qui était enneigé donc non praticable) pour se rabattre en Allemagne sur le Neurburgring. Malheureusement pour nous, le circuit était réservé par Bilstein et nous dûmes retourner bredouille sur Dieppe.

 

 

 

 

En 1968, le circuit ne m’intéressait plus du tout et je mutais vers

le pôle rallye.

 

Je m’occupais du suivi mécanique de 5 Alpine A110 compétition jusqu’en 1976.

 

Je devais gérer un lot de 2000 pneus par an pour ces 5 modèles. Pneus pluie, slick, XAS, neige petits clous, gros clous. Il m’arrivait souvent de clouter les pneus moi-même. Une sacrée période avec les victoires que l’on connaît.

 

J’ai une anecdote qui se passe au Rallye du RAC, en Angleterre ou Jean Luc THERIER pilotait son A110. Peu avant le départ, Jean-Luc m’appelle en urgence en m’expliquant que son A110 chauffe anormalement.

 

Nous étions à quelques minutes du départ. Calmement je rentre dans ma R16, prend dans ma boite à gants une cigarette et l’allume. Jean-Luc et les autres me regardent et me demande ce que je fais ! Je me dirige alors vers l’avant de l’A110 et souffle en direction du radiateur, les fumées me reviennent dessus, je me relève et leur dit que le ventilateur est branché à l’envers, problème résolu !

 

 

 

 

 En 1976, Larousse dirige Renault et s’occupe du projet A310 V6 qui arrivant de Boulogne n’obtenait pas grandes satisfactions. Sur le circuit de Magny Cours nous mettions face à face cette A310 parisienne face à une A310 4 cylindres préparée chez Alpine et il fut bien difficile au 6 cylindres en V de montrer sa supériorité.

 

Au Mans 77, Gérard Larousse me prend à part (il m’appelait Papa Schulz) et me demande de couler le soir du béton devant notre stand pour mettre à niveau, l’ACO n’était au courant de rien.

 

Le soir venu, j’étalai du polian sur le sol et une fois la bétonneuse arrivée et la dalle terminée je remerciais les jardiniers venus m’aider avec deux bouteilles de ricard.


Le lendemain, Gérard me demanda de mettre en peinture l’intérieur du paddock aux couleurs de Renault en jaune, les 300kg de peinture ne servirent qu’à mettre en apprêt les parpaings qui avaient tout bu, il en aurait fallu 300 autres kg pour obtenir des murs corrects.

 

Gérard qui tenait la forme, me demanda ensuite de peindre le sol, comme l’avait fait une écurie proche de nous.

 

Je réussi à le convaincre de ne pas le faire. En effet, il devait pleuvoir et je lui expliquai que demain on rigolerait bien. Et le lendemain, j’eus raison. L’écurie avait beaucoup de mal à faire partir ses voitures qui glissaient généreusement au départ de leur stand sur un sol, il est vrai, magnifique !.

  

Michel Tétu s’occupa donc de son évolution mécanique et je la suivit de près en compétition avec, cette fois ci, de bons résultats. 

 

 



J’ai aussi suivi les Renault 5 Alpine Gr.2 (les planches à roulettes), et la fameuse Renault 5 Turbo. J’ai suivi le projet du début à la fin jusqu’à la Maxi 5.

 

Je me rappelle que lors des essais de la toute premièreRenault 5 Turbo (noire) que nous avons effectué la nuit du côté d’Envermeu, Gérard Larousse au volant après un petit tour vint me voir et de me demanda de changer la boite de vitesse bruyante qui, selon lui, était complètement morte.

 

Je lui expliquais qu’elle marchait très bien et que son bruit était normal, cela s’appelait le Trach. Bref, un chef restant un chef, je changeai la boite quand même qui après un second essai routier, montra les mêmes symptômes.

 

Quelques jours après, nous emmenions le prototype sur le circuit Lardy (proche de Paris) pour un essai circuit ou attendaient les grands patrons de Renault. Nous étions accompagnés de Christian Martin côté Direction Alpine.


L’essai fut concluant pour Renault… malgré un problème de

boite …. et c’est là que le directeur d’Alpine leur expliqua gentiment que la boite fonctionnait très bien et que le bruit que l’on entendait s’appelait le trach . Venant d’un patron, les explications passent tout de suite beaucoup mieux …

 


 

 

 

En 1978, j’intègre le BEREX au service essai en compagnie de Serpaggi, Limondin et Guerin. En 1985, Pierre Desjardin me demande de revenir chez Alpine pour remplacer Daniel Vue comme chef de fabrication. Ma première mission consista à libérer un parking rempli de 150 Renault 5 alpine Turbo qui attendaient leurs derniers détails de finition avant de retrouver leurs propriétaires.

 

En 1990, c’est le ras le bol, je change et intègre le Service Amélioration Produit. Dans les années qui suivirent, je me souviens d’un cas qui nous avait posé problèmes, celui des réservoirs d’A610 sur le continent japonais.

 

Les dits-réservoirs avaient la fâcheuse habitude de gonfler exagérément au pays du soleil levant. Après avoir réalisé en France des essais avec une essence identique à la leur, le mystère restait complet. Chez nous, les réservoirs ne se déformaient pas. Mais d'ou pouvaient venir ces déformations. Le dénouement de cette énigme vint en nous expliquant comment étaient sollicitées nos Alpines.

 

Les conducteurs japonais se rendaient en voiture à leur travail, 20 km de bouchon. A l’heure du repas, ils reprenaient leur A610 à travers les bouchons pour se rendre au restaurant. La voiture tournait au ralenti le temps du repas (pour que la clim fonctionne et que lors de la reprise du véhicule l’habitacle reste frais) pour ré-entamer plusieurs kilomètres de bouchons.

 

 

L’essence japonaise est beaucoup plus volatile qu’en France et le tuyau de dégazage du réservoir était alors sous-dimensionné. Il a fallu remplacer 250 tuyaux dans tout le Japon pour résoudre l’affaire. 




Je m'occupais aussi de la GTA Le MANS, du projet Mosaîque pour la Clio, de la Safrane Carmina et du Spider Renault  (qui aurait pu s'appeler la Mauto selon Claude FIOR ) pour finir ma carrière sur la Mégane Maxi.


En 1998, c’est la quille et je quitte Alpine et ses hommes sereinement en laissant ma place à M Jean-François Kostur.



Je ne remercierais jamais assez ma femme, Denise, qui me suit depuis

qu’elle a 15 ans.